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www.starhawk.org/activism/activism.html
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by Starhawk
traduction Isabelle Stengers
Je vous prie de transmettre ce texte, de le communiquer et de le reproduire en toute liberté. Vous navez pas besoin de ma permission, quoique je serais heureuse de savoir où il abouti. Ce serait gentil dinclure un lien au Reclaiming website où se trouve aussi mon site personnel:
www.reclaiming.org
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DAN, PO Box 95113, Seattle, WA 98145.
Merci, et soyez bénis, Starhawk.
Deux semaines se sont écoulées depuis ce matin où je me suis levée avant laube pour rejoindre le blocus qui a empêché le rencontre inaugurale de lOMC. Depuis que je suis sortie de prison, je lis les compte rendus de presse et jessaie de comprendre la différence entre ce que je sais être arrivé et ce que lon raconte.
Pour une fois, lors dune manifestation de protestation politique, nous disions la vérité lorsque nous chantions "le monde entier regarde!". Je nai jamais vu une action politique attirer une telle attention de la part des media. Et pourtant, lessentiel de ce qui a été écrit est dune telle inexactitude que je narrive pas à décider si les journalistes devraient être accusés de complot ou, simplement, dincompétence. Il a été sans cesse question de quelques vitrines brisées, mais à peu près pas du Direct Action Network (DAN), le groupe qui a réussi à organiser laction directe non violente qui a fini par rassembler plusieurs milliers de personnes. La véritable histoire de ce qui a fait un succès de cette action nest pas dite.
La police, lorsquelle défend la manière brutale et stupide dont elle a fait face à la situation, prétend quelle nétait "pas préparée à la violence". En réalité, ce à quoi ils nétaient pas préparés, cétait à la non violence, ainsi quau nombre et à lengagement des activistes non violents - et cela même si le blocus fur organisé lors de réunions ouvertes, publiques et si notre stratégie navait rien de secret. Je soupçonne que notre mode dorganisation et de prise de décision était tellement étranger à leur idée de ce que signifie la direction dun mouvement quils nont littéralement pas pu voir ce qui se passait sous leurs nez.
Lorsque ceux qui honorent lautorité pensent organisation, ils simaginent une personne, dhabitude un homme, ou un petit groupe de personnes debout et disant aux autres quoi faire. Le pouvoir est centralisé et exige lobéissance.
Voici quelques aspects de notre modèle dorganisation.
Entraînement et préparation:
Pendant les semaines et les jours qui ont précédé le blocus, des milliers de gens ont reçu un entraînement à la non violence - un cours de trois heures qui combinaient lhistoire et la philosophie de la non violence avec des pratiques réelles impliquant des jeux de rôle où il sagit de rester calme dans des situations tendues, dutiliser des tactiques non violentes, de répondre à la brutalité, et de prendre des décisions ensemble. Des milliers ont également suivi un entraînement de deuxième niveau portant sur la préparation au séjour en prison, les stratégies et tactiques de solidarité, les aspects judiciaires. Il y a eu également des entraînements à propos des premiers secours, des tactiques de blocus, du théâtre de rue, de la "facilitation" des rencontres et dautres compétences encore. Alors que des milliers dautres personnes, qui navaient bénéficié daucun de ces entraînements, ont pris part au blocus, ces groupes préparés à faire face à la brutalité de la police ont pu fournir un noyau de résistance et de force. Et en prison, jai vu beaucoup de situations qui se déroulaient juste comme dans les jeux de rôle. Les activistes ont été capables de protéger les membres de leur groupe qui risquaient dêtre isolés ou séparés des autres en utilisant les tactiques proposées pendant lentraînement. Les tactiques de solidarité que nous avions préparées ont bel et bien fait obstacle au fonctionnement du système.
Accords pris en commun
Il a été demandé à chaque participant à laction daccepter les principes de base non violents: sabstenir de violence physique ou verbale, ne pas avoir darmes, namener ni ne consommer de drogue illicite ou dalcool, et ne pas détruire les biens privés. Cet accord na été demandé que pour laction du 30/11 - il ne sagissait pas den faire une philosophie de vie et le groupe reconnaissait quil y a des opinions très divergentes à propos de certains de ces principes.
Groupes daffinité, clusters et Conseils de porte-paroles
Les participants à laction étaient organisés en petits groupes appelés groupes daffinité. Chaque groupe était habilité (empowered) à prendre ses propres décisions à propos de la manière de participer au blocus. Il y a eu des groupes qui ont fait du théâtre de rue, dautres se sont préparés à senchaîner à des bâtiments, des groupes avec des calicots ou de marionnettes géantes, dautres préparés simplement à tenir ensemble bras dessus bras dessous et à arrêter de manière non violente les délégués. Dans chaque groupe, il y avait en général des gens préparés à aller en prison, dautres qui seraient leur personne de soutien lorsquils seraient en prison, et une personne qualifiée en matière de premiers secours.
Les groupes daffinité étaient organisés en clusters. La zone qui entoure le Convention Center fut divisée en treize sections, les groupes daffinités et leur clusters sengageant à tenir une section particulière. Il y avait également quelques groupes "volant" - libres de se déplacer là où on avait le plus besoin deux. Tout ceci fut coordonné aux rencontres du Conseil des porte-paroles, où chaque groupe daffinité envoya un(e) représentant(e) qui était habilité(e) à parler pour le groupe.
En pratique, ce mode dorganisation signifiait que les groupes pouvaient se déplacer et réagir avec une grande souplesse pendant le blocus. Sil y avait appel à plus de gens à un endroit donné, un groupe daffinité pouvait évaluer le nombre des personnes tenant le front là où ils étaient et choisir de se déplacer ou non. Lorsquils avaient affaire au gaz lacrymogène, aux jets de poivre, aux balles de caoutchouc et aux chevaux, chaque groupe pouvait évaluer sa propre capacité à résister à la brutalité. En conséquence, les fronts du blocus ont tenu face à une incroyable violence policière. Lorsquun groupe de personnes était finalement balayé par le gaz et les bâtons, un autre viendrait prendre sa place. Et pourtant il y avait aussi à faire pour ceux des groupes daffinité qui réunissaient des gens plus âgés, avec des problèmes de poumons ou de dos: tenir le front dans les zones relativement tranquilles, interagir et dialoguer avec les délégués à qui nous faisions faire demi-tour, et soutenir la marche du travail qui a rassemblé des dizaines de milliers de personnes au milieu de la journée. Aucune direction centralisée naurait pu coordonner la scène au milieu du chaos, et aucune nétait nécessaire - notre organisation organique, autonome sest montrée beaucoup plus puissante et efficace. Aucun personnage dautorité naurait pu contraindre des gens à tenir les fronts du blocus sous les gaz lacrymogène - mais des gens habilités (empowered), libres de prendre leurs propres décisions, ont choisi de le faire.
Prise de décision par consensus
Les groupes daffinité, clusters et conseils de porte-paroles rassemblés dans le DAN ont pris leurs décisions par consensus - une procédure qui permet à chaque voix dêtre entendue et qui met laccent sur le respect envers les opinions minoritaires. Le consensus faisait partie de lentraînement à la non violence et à la prison, et nous avons aussi essayé de proposer un entraînement spécial à la "facilitation" des rencontres. Pour nous, consensus ne veut pas dire unanimité. Le seul accord obligatoire était dagir en suivant les principes de base non violents. Au-delà de cela, les organisateurs du DAN ont donné un ton valorisant lautonomie et la liberté plutôt que la conformité, et ils ont mis laccent sur la coordination sans recours aux pressions demandant la conformité. Par exemple, notre stratégie de solidarité impliquait de rester en prison, où nous pouvions utiliser la force du nombre pour protéger les personnes qui auraient été particularisées pour des inculpations plus graves ou un traitement plus brutal. Mais personne na subi de pression pour rester en prison et na été culpabilisé sil choisissait dêtre libéré sous caution avant les autres. Nous savions que chacun a ses propres besoins, et sa propre situation de vie, et que ce qui était important était davoir participé à laction au niveau où chacun le pouvait. Si nous avions fait pression pour que tout le monde reste en prison, beaucoup auraient résisté, auraient éprouvé du ressentiment et se seraient sentis manipulés. Comme nous ne lavons pas fait, comme les gens se sont sentis habilités (empowered) et non manipulés, la grande majorité des gens ont décidé pour eux-mêmes de rester, et beaucoup ont été beaucoup plus loin que ce quils avaient pensé faire.
Vision et Esprit
Laction comprenait de lart, de la danse, des célébrations, des rituels, de la magie. Elle était plus quune protestation; elle était création dune vision dabondance véritable, célébration de la vie, de la créativité et de la connexion, elle est restée pleine de joie face à la brutalité et a donné vie aux forces créatives qui peuvent véritablement sopposer à celles de linjustice et du contrôle. Beaucoup de personnes ont mis en action la force de leur pratique spirituelle personnelle. Jai vu des bouddhiste renvoyer des délégués furieux avec gentillesse et amour. Nous, les sorcières, avons procédé à des rituels avant laction et en prison, et avons appelé les éléments de la nature pour nous soutenir. Jai reçu le Reiki quand jétais malade et nous avons célébré Hanouka sans les bougies, mais avec les bénédictions et lhistoire de la lutte pour la liberté religieuse. Nous avons eu la force spirituelle de chanter dans nos cellules, de danser une danse spirale dans le cachot de police, de rire des centaines dhumiliations sordides quinflige la prison, de nous réconforter les un(e)s les autres, de nous écouter aux moments de tension, dutiliser notre temps ensemble pour continuer à transmettre, à organiser, à créer la vision de léclosion de ce mouvement. Pour moi, ce fut lune des expériences spirituelles les plus profondes de ma vie.
Jai écrit ceci pour deux raisons. Dabord je veux dire limportance du DAN. Ses organisateurs ont accompli un travail brillant et difficile, ils ont appris et appliqué les leçons des vingt dernières années daction directe non violente, et ont créé face à une opposition énorme une action puissante, réussie et susceptible de changer la vie, une action qui a transformé le paysage politique global et a radicalisé une nouvelle génération. Ensuite, parce que la véritable histoire de la manière dont cette action a été organisée propose un modèle puissant à partir duquel les activistes peuvent apprendre. Seattle nest quun début. Devant nous est la tâche de construire un mouvement global qui renverse le contrôle de la finance et de lindustrie, et crée une nouvelle économie basée sur lhonnêteté (fairness) et la justice, sur une écologie saine et un environnement salubre, une économie qui protège les droits humains et soit au service de la liberté. Bien des campagnes daction sont devant nous, et nous avons le droit dapprendre les vraies leçons de nos réussites.
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last modified: 24/10/2001 @ 10:54
Category : book
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