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Simians, Cyborgs and Women
Free Associations Books
London
1991
www.stanford.edu/dept/HPS/Haraway/CyborgManifesto.htm
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by Donna J. Haraway
traduction Laurence Rassel, Nadine Plateau, Maria Puig
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La culture high-tech remet en question ces dualismes humain-machine de curieuses façons. Qui produit et qui est produit dans la relation entre lhumain et la machine? Ce nest pas évident. Pas évident de déterminer ce qui est corps et ce qui est esprit dans des machines dont lunique fonction est le codage. Dans la mesure où nous nous connaissions nous-mêmes, que ce soit par le biais dun discours formel (comme la biologie) ou de notre pratique quotidienne (par exemple léconomie du travail à domicile au sein du " circuit intégré " de léconomie globale), nous nous découvrons cyborgs, hybrides, mosaïques, chimères. Les organismes biologiques sont devenus des systèmes biotiques, des outils de communication comme les autres.
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Nos connaissances formelles ne comprennent pas de différence fondamentale, ontologique entre la machine et lorganisme, entre la technique et lorganique. La réplicante Rachel du film de Ridley Scott, Blade Runner, incarne tout à la fois la peur, lamour, et la confusion dune culture cyborg.
Une des conséquences de ceci est que le sentiment de connexion à nos outils saccroît. Létat de transe vécu par de nombreux utilisateurs dordinateurs est devenu matière à films de science-fiction et à plaisanteries de bon ton. Peut-être les paraplégiques et autres personnes gravement handicapées peuvent-ils vivre (et parfois ils le font) lexpérience la plus intense dune hybridation complexe avec dautres dispositifs de communication. En 1969, le livre pré-féministe dAnne McCaffrey, The Ship Who Sang explorait la conscience dun cyborg, hybride entre un cerveau de fillette et une machinerie complexe formé après la naissance dun enfant lourdement handicapé. Le genre (gender), la sexualité, lincarnation/incorporation/encorporation (embodiment), lhabilité (skill): tout était reconstitué dans le récit. Pourquoi nos corps devraient-ils se limiter à la peau, ou inclure au mieux dautres êtres emprisonnés dans de la peau? Du 17e siècle à nos jours, on a pu animer des machines - leur donner des âmes fantomatiques pour les faire parler ou bouger ou pour témoigner de leur développement régulier et de leurs capacités mentales. Ou alors, des organismes ont pu être mécanisés, réduits à un corps perçu comme réservoir desprit. Ces relations machine-organisme sont obsolètes et superflues. Pour nous, dans limaginaire comme dans dautres pratiques, les machines peuvent être des prothèses utiles, des composants intimes, des "soi" amicaux. Nous navons pas besoin du holisme organique pour former un tout imperméable, une femme complète avec ses variantes féministes (mutantes?)
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Les monstres ont toujours marqué les limites de la communauté dans les imaginaires occidentaux. Les Centaures et les Amazones de la Grèce antique établirent les limites des pouvoirs centralisés du mâle grec par leurs perturbations du mariage et leurs pollutions des frontières entre le guerrier et lanimalité ou la femme. Aux débuts de la France moderne, siamois et hermaphrodites constituèrent le matériau humain confus sur lequel se fonda le discours sur le naturel et le surnaturel, le médical et le légal, le sain et le malade, - notions cruciales à la construction de lidentité moderne.
Les théories évolutionnistes et comportementales sur les singes et les primates vinrent déterminer les multiples frontières des identités industrielles de cette fin de vingtième siècle. Les monstres cyborg de la science fiction féministe proposent eux des limites et des possibilités politiques quelque peu différentes de celles offertes par la fiction terre-à-terre de lHomme et de la Femme.
Prendre au sérieux limage du cyborg, autrement que comme celle de notre ennemi, nest pas sans conséquences. Nos corps. Nous-mêmes. Nos corps sont des cartes du pouvoir et de lidentité. Les cyborgs ne font pas exception. Le corps dun cyborg nest pas innocent; il nest pas né dans un jardin; il ne cherche pas lidentité unitaire et par là-même génère des dualismes antagonistes à linfini (ou jusquà la fin du monde); il prend lironie au pied de la lettre. Un, cest trop peu, et deux nest jamais quune possibilité. Le plaisir intense que procure lhabilité, lhabilité machinale, nest plus un pêché mais un aspect de notre encorporation. La machine nest pas une chose à animer, à vénérer, à dominer. La machine est nous, nos processus, un aspect de notre incarnation. Nous pouvons répondre de nos machines; elles ne nous dominent ni nous menacent. Nous sommes responsables des frontières, nous sommes elles. Jusquà maintenant (et il était une fois), lincarnation féminine semblait donnée, organique, nécessaire; et lincarnation féminine semblait signifier laptitude à la maternité et ses ex-tensions métaphoriques. Cest seulement en nétant pas à notre place que nous pouvions prendre un intense plaisir aux machines, et encore, en prenant lexcuse quaprès tout, il sagissait d une activité organique, donc appropriée aux femmes. Il se pourrait que les cyborgs prennent plus au sérieux laspect partiel/al et parfois fluide du sexe et de lencorporation sexuelle. Le genre (gender) pourrait ne pas être une identité globale après tout, en dépit de son étendue et de sa profondeur historique.
La question, idéologiquement chargée, de savoir ce qui compte comme activité quotidienne, comme expérience, peut être abordée en utilisant limage du cyborg. Des féministes ont récemment proclamé que les femmes sont vouées à la quotidienneté, que dune certaine manière, plus que les hommes elles assurent le quotidien, et quelles ont donc de fait, potentiellement, une position épistémologique privilégiée. Quelque chose simpose dans cette affirmation, qui rend visible une activité non valorisée des femmes et la pose comme le fondement de la vie.
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Mais quoi, le fondement de la vie? Quoi de toute lignorance des femmes, quoi de toutes les exclusions et de tous leurs manques de connaissance et de savoir faire? Quoi de laccès des hommes aux compétences quotidiennes, au savoir construire des choses, les démonter, jouer? Quoi des autres corporalités? Le genre cyborg est une occasion locale de prendre une revanche globale. Race, genre et capital requièrent une théorie cyborg des touts et des parties. Les cyborgs ne nous poussent pas à une théorie totale, mais bien à une expérience intime des liens, de leur construction et de leur déconstruction. Il y a là un système de mythe en attente de devenir un langage politique dans lequel enraciner une façon de considérer la science et la technologie, et de remettre en question linformatique de la domination - dans le but dagir puissamment.
Une dernière image: les organismes et lorganismique, les politiques holistes dépendent de métaphores de la renaissance et font invariablement appel aux ressources du sexe reproducteur. Je voudrais suggérer que les cyborgs ont plus à voir avec la régénération et se méfient de la matrice reproductrice et de la naissance en général. Pour les salamandres, la régénération suite à une blessure comme la perte dun membre implique la croissance nouvelle dune structure et la restauration de la fonction, avec la possibilité permanente de dédoublement ou toute autre production topographique étrange à lendroit de lancienne blessure. Le membre reproduit peut être monstrueux, dupliqué, puissant. Nous avons tou-te-s été blessé-e-s, profondément. Nous voulons la régénération, pas la renaissance. Et les possibilités de notre reconstitution englobent le rêve utopique despérer un monde monstrueux sans genres.
Limagerie du cyborg peut aider à exprimer deux arguments cruciaux de ce texte: premièrement, la production dune théorie totalisante et universelle est une erreur majeure qui fait passer à côté dune bonne partie de la réalité, probablement de tous temps mais particulièrement aujourdhui. Deuxièmement, replacer les sciences et les technologies dans les rapports sociaux amène à refuser une métaphysique anti-science, une démonologie de la technologie. Cela comprend la tâche délicate de reconstruire les frontières de la vie quotidienne, en connection partielle avec dautres, en communication avec toutes nos parties. Ce nest pas seulement que la science et la technologie soient des accès possibles à une grande satisfaction humaine en même temps qu une matrice de dominations complexes. Limagerie du cyborg peut offrir une porte de sortie hors du dédale des dualismes dans lequel nous nous sommes expliqué nos corps et nos outils. Ceci nest pas le rêve dun langage commun, mais dune hétéroglose puissante et infidèle. Cest limagination dune féministe douée pour les langues qui flanquerait la trouille aux superhéros du nouvel ordre. Cela signifie à la fois construire et détruire: machines, catégories, relations, légendes de lespace. Et bien que tous deux soient liés dans une même ronde, jaimerais mieux être un cyborg quune déesse.
Voor nederlandse versie
Een Cyborg Manifest
vertaling Arno Beuken
bewerking en inleidend essay Karin Spaink
De Balie, 1994 Amsterdam
Notes
29. James Clifford (1985, 1988) défend de manière
persuasive la reconnaissance dune réinvention culturelle continue, la non-disparition bornée de ceux marqués
par les pratiques occidentales impérialistes
30. DuBois (1982), Daston and Park (n.d.),
Park and Daston (1981).
Le mot monstre partage ses racines
avec le verbe démontrer
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last modified: 01/11/2001 @ 11:13
Category : book
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